Le téléphone devrait être l’outil universel, facilement accessible et fiable pour prévenir ses proches, appeler à l’aide et solliciter des secours en cas d’urgence.
La cabine à pièce au service de tous et placée au centre du village relève du passé. Qu’en est-il aujourd’hui de la mission de sécurité publique du téléphone dans les territoires ruraux ?
Le téléphone mobile a vocation à être l’outil pour appeler son entourage privé ou faire un numéro public d’urgence comme le 15 (aide médicale), le 17 (police-secours), le 18 (sapeurs-pompiers) ou le 112. Ce 112 a été créé il y a plus de 20 ans pour être le numéro d’urgence unique en Europe. En France, il redirige vers le SAMU ou les sapeurs-pompiers. Les réseaux mobiles sont techniquement organisés pour faire d’un appel au 112 émis par un téléphone mobile une communication prioritaire sur tous les autres appels. L’accès au 112 avec un téléphone mobile demande (en plus d’avoir une batterie chargée !) d’avoir en France une carte SIM valide. Initialement le 112 fonctionnait sans carte SIM mais cette faculté a été désactivée en France en 2004, car l’absence de carte SIM ne permet pas de repérer l’origine de l’appel. Le téléphone peut être bloqué et la connaissance du code PIN n’est pas nécessaire (il faut faire le 112 à la place de ce code ou sélectionner l’option « appel d’urgence »).
Oui, mais toute cette intelligence technique implémentée dans les réseaux et dans les portables n’a aucune utilité si vous êtes dans une zone blanche sans couverture ou sur un axe de transport en jachère numérique !
Le téléphone fixe a aussi vocation à être un outil d’appel d’urgence simple d’usage. Il l’était mais le sera de moins en moins. Pourquoi ? La ligne téléphonique classique (« la ligne France Telecom ») est électriquement autoalimentée par l’opérateur et fonctionne même en cas de coupure locale du 220 volts (le réseau « EDF »). Or cette ligne, comme déjà évoquée, n’est plus commercialisée par Orange depuis novembre 2018 et son réseau (le RTC, réseau téléphonique commuté) ne sera plus en service en 2023. L’appel d’urgence se fait et se fera de plus en plus par un téléphone raccordé à une box internet dont la fiabilité et la permanence du service est bien moindre. En effet le fonctionnement de la box dépend avant tout du réseau électrique 220 volts qui l’alimente. La box est également soumise à des aléas, notamment logiciels. Qui n’a pas eu à redémarrer sa box après un orage à la campagne ? Mais surtout de multiples autres fragilités des réseaux filaires d’aujourd’hui s’ajoutent. Les communications ADSL sur le réseau cuivre ne sont pas certaines (réseau mal entretenu, technique sensible à l’activité électrique des orages ; réseau facilement saturable). L’intégrité des communications sur fibres optiques en zones rurales est-elle vraiment assurée ? Pas sûr car en France son déploiement fait massivement appel aux câbles aériens forcément sensibles aux caprices de la nature et aux qualités d’entretien. Qui n’a pas constaté en circulant sur les belles routes secondaires de nos campagnes boisées des lignes aériennes toutes neuves mais à proximité immédiate des arbres (voire noyées dans les branches) et susceptibles de casser au moindre coup de vent ou chute d’arbre ?
Oui mais avec la dépendance à l’intégrité du réseau électrique, avec les caprices des box ou avec les vulnérabilités des réseaux filaires anciens (cuivre) ou nouveaux (fibre optique), la vocation du téléphone fixe comme support de la sécurité n’est plus de mise !
Votre voiture se met aussi, avec l’eCall impulsé par l’Europe, a vouloir être, pour le compte de ses occupants, un outil d’appel d’urgence. Ce nouveau système automatique vise à ce qu’une voiture accidentée appelle instantanément et automatiquement les services d’urgence, tout en envoyant la position précise du véhicule, que ses occupants soient conscients ou non. Ce système utilise l’électronique embarquée dans la voiture, son géopositionnement et une communication téléphonique vers le 112. Depuis mars 2018, tous les nouveaux modèles de véhicules doivent être équipés du système eCall.
Oui mais, là encore, avant d’avoir un accident, choisissez de ne pas rouler en zone blanche de téléphonie mobile !
L’exceptionnel appel d’urgence ne génère pas de trafic, de chiffres d’affaires ou de marge financière pour les opérateurs. L’appel d’urgence est un sujet subi par les opérateurs et est hors de leur culture et de leur business model. D’ailleurs avez-vous vu le sujet mentionné dans leur communication externe ?
Le transport et l’acheminement des appels d’urgence jusqu’aux centres de prise en charge ne sont pas de la responsabilité des acteurs de la sécurité (gendarmerie, pompiers, urgences médicales, etc.).
Qui mais alors qui dans la République aménage la sécurité des territoires ruraux ? Qui assure en France la maîtrise d’ouvrage de la géographie des outils d’appels d’urgence dont les hommes ont aussi besoin hors de villes ? Voilà encore un motif pour organiser et instaurer un service régalien d’accès effectif au numérique, fixe et mobile, indispensable aux zones rurales.