Quand verra-t-on une politique publique d’État qui s’appuie sur un organisme opérationnel et non pas sur un régulateur comme l’ARCEP dont la mission, centrée sur la gestion de la concurrence entre opérateurs privés, n’intègre pas les compétences d’aménagement du territoire ?
Quand verra-t-on cet État ne pas se défausser culturellement, financièrement et opérationnellement sur des collectivités locales sans accès aux outils d’ingénierie alors qu’elles devraient avoir les compétences de maître d’ouvrage ?
Quand verra-t-on une stratégie d’aménagement numérique du territoire qui consiste en autre chose que l’affichage de critères de couverture territoriale incomplets, de court terme et sans pertinence géographique ?
Quand verra-t-on un Exécutif ne pas se contenter de négociations occultes avec les seuls opérateurs, comme le new deal mobile convenu en 2018 ?
Quand verra-t-on un Exécutif qui décide de l’avenir des citoyens en consultant la représentation démocratique et en dépassant le simple processus commercial d’attribution de licences, comme avec la 5G actuellement ?
Quand verra-t-on un État qui soit capable de stratégie au long cours prenant en compte la sécurité de la logistique du numérique du sol français ?
L’aménagement numérique du territoire et le déploiement des réseaux d’accès dans les nombreuses zones à faible densité sont en jachère dans le pays depuis 30 ans à cause d’actions superficielles, hésitantes, de courte vue et sans moyens financiers et humains de l’État. Ils ne reposent en France ni sur une doctrine structurante de long terme ni sur un processus de concertation avec l’ensemble des acteurs, notamment publics.
La définition et le choix des futures zones géographiques à couvrir doivent intégrer les complexités de l’opérationnalité, du financement et de la sécurisation des réseaux alors que le moteur du simple critère de rentabilité d’un opérateur privé, grand ou petit, est inopérant sur près de la moitié de la surface du territoire national.
Par de fréquentes déclarations, l’Exécutif admet l’importance du retard de l’aménagement numérique hors des tissus urbains denses. Mais l’État ne se préoccupe ni de concept de service public, ni de géographie, ni de financement ni de logistique. Il ne dispose que de forces humaines émiettées et n’a pas d’administration autre que le régulateur, l’ARCEP ou gendarme des télécoms. Or le régulateur, organe parisien par excellence, n’a ni la fonction, ni la culture ni les moyens d’intervenir dans le dur de l’aménagement du territoire. C’est comme si, dans le domaine routier, la gendarmerie qui veille à l’application de règles et fait de la prévention, avait la charge de programmer, de construire et d’entretenir des routes, des ponts ou des échangeurs !
L’État est sans culture approfondie de l’opérationnalité des réseaux et services d’accès. Il s’en remet aux outils logistiques des opérateurs privés. Il reste théorique. Il laisse les collectivités territoriales s’auto-saisir du déploiement de réseaux fixes en fibre optique dans des conditions administratives et financières précaires et fluctuantes. Il les écarte des discussions de fond sur le déploiement des réseaux mobiles, comme pour la 5G.
Il est dans l’air du temps de parler de souveraineté numérique et de cybersécurité, comme par exemple avec le futur texte de la Loi d’Orientation et de Suivi de la Souveraineté Numérique. Mais il faut aussi traiter des questions de logistique et d’opérationnalité des réseaux d’accès. Cela est d’autant plus nécessaire et à portée de main que, si le numérique est très mondialisé, la maîtrise publique de l’aménagement du territoire relève avant tout de politiques intérieures.
A quand une loi de programmation numérique en France qui entre dans les complexités opérationnelles et financières sans exclure nos campagnes, leurs besoins de services publics, la sécurité de la vie humaine et la nécessité de protéger notre souveraineté géographique ?
A quand un processus législatif qui aborde, au-delà de la prochaine échéance électorale, la maîtrise et la sécurité d’accès au numérique en tout point du territoire puisque c’est un vecteur de télé-activités, de télétraitements et de télé-sécurité facilitateurs de décentralisation géographique ?